Du communisme au néolibéralisme :
Le rôle des réseaux chinois dans la transformation de l’État au Laos
Doctorat en Science Politique – Sciences Po Paris / CERI
Soutenu le 2 décembre 2011
Alors que les analyses politiques sur le Laos sont rares, cette thèse tente d’apporter un éclairage sur la manière dont la globalisation néolibérale a transformé les pratiques et les modes d’exercice du pouvoir dans l’un des derniers régimes communistes au monde. Bien que ce pays soit généralement considéré comme un « État faible » par excellence, l’argument principal de la thèse est de dépasser le discours récurrent le présentant comme une victime de la globalisation, de ses puissants voisins, et de la Chine en particulier. Pour défendre cette hypothèse, la recherche s’est concentrée sur le Nord-Laos qui cristallise l’ensemble des enjeux auxquels le pays doit faire face actuellement, depuis la construction du corridor nord-sud reliant Kunming à Bangkok en traversant les provinces septentrionales du Laos. Cette autoroute qui traverse des zones montagneuses, pauvres et multiethniques, est devenue une voie de pénétration privilégiée pour les compagnies et les migrants chinois, venus saisir les opportunités économiques qu’offre ce pays sous-peuplé et riche en ressources naturelles. À contre-courant de la rhétorique contemporaine sur la globalisation qui a décrété le retrait de l’État, l’analyse de la région-frontière du Nord-Laos illustre le redéploiement de l’État post-socialiste grâce à la réappropriation des techniques, savoirs et procédures de la rationalité néolibérale. Dans ce cadre, les réseaux transnationaux chinois jouent un rôle déterminant dans la production d’une « gouvernementalité néolibérale par les marges » qui permet à l’État central lao de réaffirmer son hégémonie sur la société.
While there are very few political analyses on the state in Laos, my thesis sheds light on how globalization has transformed the practices and modes of exercising power in one of the last Communist regimes in the world. My PhD research aimed to deconstruct stereotypes that misrepresent the political economic transition occurring in that ‘forgotten country’. First, the transition to a market-oriented economy has not been accompanied by a transition to democracy. Going against established dogmas of Western ‘transitology’, the neoliberal logic is viewed as an extraordinarily malleable technology of governing that allows this post-socialist state to reaffirm its hegemony over society. Second, although Laos is generally regarded as a ‘weak’ state par excellence, the main argument of the thesis was to go beyond the recurrent discourse presenting it as a victim of globalization, its powerful neighbours, and of China in particular. To defend this hypothesis, the research focused on the borderlands of Northern Laos, which crystallize all the challenges the country is currently facing since the construction of the North-South Economic Corridor, one of the Greater Mekong Sub-region (GMS) infrastructure projects. The GMS programme, supported by the Asian Development Bank since the early 1990s, is one of the most dynamic economic integration processes occurring in mainland Southeast Asia. This highway crossing through mountainous, poor and ethnically diverse areas, has become a crucial gateway in Southeast Asia for Chinese companies and migrants who came to seize the economic opportunities offered by this under-populated country, but rich in natural resources. Challenging the contemporary doxa on the ‘retreat of the state’ in the neoliberal era, the analysis of this borderland region illustrates the redeployment of the Lao post-socialist state thanks to the acquisition of techniques, knowledge and procedures of the neoliberal rationality. In this context, Chinese transnational networks play a key role in the production of a ‘neoliberal governmentality’ that allows the lowland state to strengthen its grip on the margins of its territory.