La crise des migrants à Calais

En route vers le Royaume-Uni

Enquête de terrain auprès des migrants vietnamiens 

(Recherche-action avec France Terre d’Asile et l’IRASEC)

L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les problématiques liées à la migration vietnamienne à destination du Royaume-Uni. En septembre 2009, les migrants vietnamiens ont fait une apparition très discrète dans le paysage médiatique français, au moment du démantèlement de leur camp à Angres, située à 100 km du littoral. On découvrait qu’ils voulaient rejoindre le Royaume-Uni, considéré comme un eldorado. De l’autre côté de la Manche, les autorités britanniques s’inquiètent de voir un nombre croissant de ces migrants clandestins, et en particulier des mineurs, être exploités dans des « usines » à cannabis. Ces dernières années, les Vietnamiens font partie des trois premières nationalités orientées vers le NRM (National Referral Mechanism), un système mis en place par le gouvernement britannique pour identifier les victimes de traite et d’esclavage moderne. Leur nombre a triplé entre 2012 et 2015 (135 à 478). En 2015, les Vietnamiens arrivaient en deuxième position après les Albanais. Alerté par ce problème, France terre d’asile a décidé de commander une enquête sociologique sur ce groupe de migrants vietnamiens en transit dans le littoral de la Manche afin d’améliorer leur prise en charge.

Une enquête de terrain multi-sites a été conduite entre juillet et novembre 2016. L’équipe de recherche a rencontré des migrants et échangé avec les acteurs qui sont en contact avec eux. L’enquête a commencé à Paris qui constitue une étape transitoire pour les migrants avant de passer au Royaume-Uni. Elle s’est poursuivie à Londres et à Birmingham, où se concentre la majorité de la communauté vietnamienne au Royaume-Uni ; à Calais qui constitue le nœud du passage, où la plupart des migrants vietnamiens arrêtés par la police sont placés dans le centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles ; à Grande-Synthe, près de Dunkerque où le nouveau camp de la Linière, ouvert en mars 2016, accueille un petit groupe de migrants vietnamiens ; et enfin à « Vietnam City », un camp dans un bois à Angres, près d’une aire d’autoroute sur l’A26, où la majorité des migrants vietnamiens passent pour rejoindre le Royaume-Uni en se cachant dans les camions.

Dans une première partie, nous tenterons, à partir des témoignages des migrants, de dresser leur profil, d’exposer leurs motivations de départ, et de décrire leurs parcours migratoires. Nous verrons notamment ce qui distingue ce nouveau phénomène de migration vietnamienne, qui est de nature économique, de la vague de réfugiés boat people qui ont fui la prise de pouvoir par le régime communiste après la fin de la Guerre du Vietnam. Dans une deuxième partie, nous analyserons la situation des migrants vietnamiens en transit dans le littoral de la Manche. L’étape de Calais est déterminante dans le parcours des migrants à destination du Royaume-Uni. La difficulté accrue de passer, les conditions de vie précaires, ainsi que le coût exorbitant du passage fragilisent les migrants et ce contexte les rend plus vulnérables aux situations d’exploitation. Enfin, dans la troisième partie, nous identifierons les facteurs de vulnérabilité spécifiques à cette population migrante ainsi que les pistes d’accompagnement possibles pour venir en aide aux victimes.

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The objective of this study is to better understand the problems related to Vietnamese migration to the United Kingdom. In September 2009, Vietnamese migrants received very low-key coverage on the French media scene when their camp in Angres, 100 km from the coast, was closed. It emerged that they wanted to get to the United Kingdom, considered to be an El Dorado. On the other side of the English Channel, the British authorities were concerned at the increasing number of these illegal migrants, in particular minors, being exploited in cannabis factories. In recent years, the Vietnamese were one of the top three nationalities referred to the NRM (National Referral Mechanism), a system put in place by the British government to identify victims of human trafficking and modern slavery. Their numbers tripled between 2012 and 2015 (135 to 478). In 2015, the Vietnamese were in second position after the Albanians. When France Terre d’Asile became aware of this problem, it decided to commission a sociological survey of this group of Vietnamese migrants in transit on the French coastline of the Channel in order to improve the support offered to them.

A multi-site field survey was conducted between July and November 2016. The research team met some of the migrants and talked with the organisations that are in contact with them. The survey started in Paris, which is a temporary destination for migrants before moving on to the United Kingdom. It was continued in London and Birmingham, where the majority of the Vietnamese community in the United Kingdom is concentrated; in Calais, which is the central hub of the migrants’ passage, and where most of the Vietnamese migrants arrested by the police are placed in the immigrant detention centre (CRA) of Coquelles; in Grande-Synthe, near Dunkirk, where the new camp of La Linière, opened in March 2016, houses a small group of Vietnamese migrants; and finally in “Vietnam City”, a camp in a wood in Angres, close to a rest area of the A26 motorway, which the majority of the Vietnamese migrants pass through, hiding in lorries, to get to the United Kingdom.

In section one, our aim is to set out the migrants’ profile, explain their reasons for leaving their country and describe their migration routes, using their own oral accounts as a basis. In particular, we will look at what distinguishes this new phenomenon of Vietnamese migration, which is of an economic nature, from the wave of boat people refugees who fled when the Communist regime seized power after the end of the Vietnam War. In section two, we will analyse the situation of the Vietnamese migrants in transit on the Channel’s French coastline. The Calais stage is a critical one in the migrants’ journey to the United Kingdom. The increased difficulty of managing to make the crossing, the precarious living conditions and the exorbitant cost of the crossing puts the migrants in a vulnerable condition and this context makes them more susceptible to situations of exploitation. Lastly, in section three, we will identify the vulnerability factors specific to this migrant population as well as the possible support approaches that can be taken to help victims.